jeudi 22 novembre 2018

Cahier décharge


On peut se demander comment sont formulés les cahiers des charges remis aux designers pour la conception des bancs anti-sdf (réflexion suite à l'article sur le collectif design for everyone). J'imagine que l'on n'écrit pas noir sur blanc certaines idées exprimées à l'oral. La formulation doit être plus politiquement correcte.
Est-ce simplement : intégrer la fonction "empêcher de manière design les usagers de s'allonger sur l'assise" ? ou "inscrire une surface d'assise collective dans une utilisation exclusivement individuelle" ? ou plus retord : "garantir un environnement de promenade agréable pour les contribuables" ?
La manière de rédiger ce cahier des charges n'est pas anodin car il définie la responsabilité plus ou moins directe du designer sur la solution qu'il propose. Plus ou moins directe car le designer se doit aussi d'apporter une vision globale, extérieure, a minima une vision qui prend un peu de recul, un point de vue qui peut l'amener à remettre en cause le CDC du client (pas évident en pratique - la politique du "client est roi" autrement dit "celui qui paye a raison" est parfois difficile à contourner - mais c'est ce que vend le design thinking).
Quoiqu'il en soit la démarche est symptomatique de nos travers mondialisés : un CDC généralisé pourrait être rédigé de cette manière "repousser le problème loin de notre vue (et/ou de nos oreilles, de notre nez)".

Wear Space pour se concentrer sur son écran dans un open space / Panasonic / Reddot design award 2017 "best of the best"

Pas de chance, la terre est sphérique : à force d'éloigner le problème, il va finir juste derrière nous ! 
Heureusement il y a une autre solution : "repousser le problème loin de notre temps".
Évidemment pour que ce soit vraiment efficace il faudrait éviter d'accélérer les causes...
Yaka, fokon et Carpe diem, les amis !

Œillère pour se concentrer sur son sillon dans un champ / design award 1611

mardi 13 novembre 2018

World war design

Toujours lors de mes recherches documentaires pour "Morts pour la France" j'ai redécouvert l'artisanat de tranchée. C'est remarquable comme la finesse des motifs gravés, les formes souples sculptées contrastaient avec la dureté brute et mécanique de la matière première issue des déchets (non-organiques) de la guerre alors que le vivant -animal et végétal- disparaissait sous les obus. Comme si la nature tentait de se frayer un chemin au travers de la mécanisation productiviste et destructrice.

Pendant ce temps, de l'autre côté de l'Atlantique, le design de la bouteille de Coca-Cola évoluait. On est passé d'une forme droite avec un verre ambré type canette de bière standard à une forme courbe et cannelée, gonflée comme une grenade prête à exploser (*) en 1915, puis plus amincie et couleur vert d'eau en 1916 proche de celle que l'on connait aujourd'hui (avec un verre incolore).
Un changement qui s'est produit en plein "boom" de l'artisanat de tranchée, vers un style curieusement proche de certaines productions des artisans-poilus.

Et dire que cette boisson a été élaborée à des fins médicales... pour soigner quoi déjà ? hé bien d'après Wikipédia c'était pour désintoxiquer de la morphine les vétérans de la guerre de sécession !!

C'est un peu tard, c'est dommage mais on aurait pu célébrer le centenaire de la fin du conflit avec une bouteille colamorative série spéciale finition "tranchée"...

En tout cas les poilus, eux, étaient déjà à la pointe de l'upcycling.

*une forme officiellement inspirée des gousses de cacao

dimanche 11 novembre 2018

Feu d'armistice

Lors de mes recherches documentaires pour "Morts pour la France", je suis tombé sur des inventions inspirées par la guerre, censées répondre aux besoins des soldats. Il s'est avéré en effet que l'équipement militaire individuel au début de la guerre n'était pas adapté aux besoins du soldat. L'exemple le plus marquant est le képi : on s'est vite rendu compte sur le terrain que la fonction d'apparat n'était guère suffisante pour un couvre-chef opérationnel. Et au risque de perdre de sa superbe, le soldat a une légère tendance à favoriser la fonction de protection, et pas seulement contre les intempéries.
Les survivants des premières confrontations ont donc eu le privilège d'abandonner le feutre pour la tôle du casque Adrian. Ce n'était pas la panacée mais c'était un progrès.
D'autres objets, non fournis par l'armée française - donc produits dans un but lucratif - ont vu le jour. Pour exemple, ces "lunettes de protection infrangibles" (appellation commerciale : "Lunettes X"). Les usagers pouvant attester de leur efficacité ne peuvent malheureusement plus s'exprimer. En tout cas je n'ai retrouvé aucun avis d'utilisateur sur le net.
Peut-être que le fait de les porter procure simplement l'assurance nécessaire pour traverser le pire.
Il ne faut pas négliger l'aspect psychologique. Partir au combat l'esprit tranquille, ça n'a pas de prix !
Fort dans la tête, fort sur le front !

Alors, en ce jour du 11 novembre, pour célébrer le centenaire de l'armistice, je suis fier de vous présenter Loon-X™: une réactualisation des Lunettes X utilisant les dernières technologies  de fabrication de pointe et les matériaux les plus novateurs.
Si la fonction protection contre les obus n'est plus vraiment utile, ce nouveau design dévie les radiations atomiques*, protège de la lumière bleue** et surtout permet de profiter en permanence d'un magnifique feu d'artifice en stéréovision tout en donnant un look d'enfer au porteur !

Loon-X existe en différents coloris et finitions

*protection garantie limitée à une exposition de 0,1µs maximum, nous déclinons toute responsabilité pour les dégâts potentiellement subits aussi bien physiques que psychologiques sur le porteur ainsi que sur son entourage pour toute utilisation non conforme aux spécifications de la notice.
** en fonction des coloris