mercredi 9 octobre 2019

Ce n'est pas la merde à boire

En moyenne 35 litres d'eau par jour et par personne sont chassés dans nos toilettes. De l'eau potable
(analysée, assainie, contrôlée, …) qui ne sera ni ingérée ni même en contact avec nos corps (en principe).

Que d'énergie déployée pour évacuer nos déchets corporels ! Mais c'est tellement facile d'appuyer sur un bouton : cela vaut-il vraiment la peine d'économiser 35 litres ? Et puis qu'est-ce c'est 35 litres, d'abord ? une goutte d'eau dans la mer(de) ? Juste quelques euros dilués dans la facture d'eau ?

L'économie peut être une motivation. Des nombres plus petits sur un papier intitulé "facture", c'est séduisant effectivement. Cela reste malgré tout déconnecté de l'expérience personnelle et donc contribue à virtualiser les conséquences de nos comportements : l'argent (même liquide) ne peut représenter à lui seul ce qu'il a fallu faire pour que l'on ait juste à appuyer sur un bouton afin que l'eau potable coule à flot et emporte la médaille de bronze de l'aberration de certains aspects de notre confort moderne.

Voici donc un dispositif visant à prendre conscience physiquement de ce que représente la consommation d'eau potable pour un usage ne nécessitant pas cette qualité.
On coupe l'arrivée d'eau des toilettes et on remplace le couvercle du réservoir par cette tablette munie d'un entonnoir et d'un système de visualisation du remplissage (un simple bouchon fixé sur une baguette dont la hauteur est ajustée pour correspondre au niveau limite de remplissage), et on s'équipe de bidons. Bref, on passe en manuel.

En utilisant un bidon de 5L, cela vous fera faire 7 remplissages par jour en moyenne (pour une personne).
Ça n'a l'air de rien comme ça, ce n'est qu'un chiffre : seule l'expérience au quotidien est pertinente. Quand vous aurez jeté vous-même 35L d'eau potable par jour et par personne par la fenêtre ou plutôt par la lunette des toilettes, vous verrez peut-être ce qu'il y a derrière ce confort et ces chiffres et vous serez sans doute davantage tentés de l'économiser - et pas seulement pour l'argent - par exemple en utilisant de l'eau "grise" de vos bains/douches, en récupérant l'eau que l'on fait couler en attendant que l'eau chaude arrive, en utilisant de l'eau de pluie* ou en vous convertissant aux toilettes sèches.
 
Ce qui est sûr, c'est qu'avec ce dispositif, on n'appuie plus sur le bouton de la chasse d'eau de la même manière. De là à penser que notre consommation excessive d'un produit est liée à la facilité d'usage qui lui est associée...  ça me laisse perplexe sur le rôle et la responsabilité des concepteurs de produits et de services en général (designers compris) : doit-on rendre un usage facile, séduisant et bon marché au risque qu'il devienne outrancier ?

*Les eaux récupérées et utilisées à l’intérieur du bâtiment qui sont renvoyées vers les égouts sont soumises à la taxe d’assainissement. Le propriétaire doit faire une déclaration d’usage en mairie, telle que prévue à l’article R 2224-19-4 du code général des collectivités territoriales.